Depuis près de vingt ans déjà, je documente l’utilisation des animaux non humains, les abus dont ils sont victimes ainsi que la façon dont nous partageons notre environnement avec eux. Depuis 2005, j’ai assisté à de nombreux rodéos à travers le Canada et j’ai constaté à maintes reprises que si ce type d’événements peut être amusant pour certains participants, il est loin de l’être pour d’autres : les animaux.
Les humains sont une espèce intelligente, mais nous avons la mauvaise habitude de tourner le dos à la souffrance, et c’est particulièrement vrai lorsque nous en sommes la cause. La dernière chose que nous souhaitons, c’est que notre journée au rodéo (ou à d’autres endroits où les animaux sont utilisés pour notre divertissement : cirques, zoos, aquariums) soit ruinée parce que nous écoutons la voix embêtante de notre subconscient qui nous dit que c’est plaisant pour nous, mais probablement pas pour eux. Ces billets coûtaient cher après tout, et si autant de gens y participent, ça ne peut pas être mal, n’est-ce pas?
Des estrades, nous pouvons voir des gens chevaucher des animaux qui se cabrent. Et ils se cabrent parce qu’ils sont mécontents. Ils veulent se débarrasser des sangles qui leur serrent les flans et leur ceinturent la taille et le ventre, une partie particulièrement sensible. Et ils veulent aussi éjecter de leur dos l’humain qui les éperonne. Leurs yeux sont gonflés par le stress et la peur. Ils bavent et halètent. Ils essaient de s’échapper. Voilà le « plaisir » qui nous est présenté à un rodéo.
J’ai passé beaucoup de temps à photographier ce qui se passe en coulisses lors de ces événements. Les animaux, qui sont constamment séparés de leurs amis ou de leur famille, sont transportés dans des remorques (souvent sur de longues distances), puis transférés dans un petit enclos et enfin dans un autre. Ils ont été débourrés, attachés, marqués et écornés, puis forcés d’agir d’une façon qui n’est pas naturelle pour eux. Ils n’ont aucune prise, ni rien à dire, sur ce qui a été planifié pour eux ensuite. S’ils refusent de bouger, ils sont frappés avec des bâtons ou un aiguillon électrique. Pendant qu’on les force à entrer dans l’enceinte des couloirs, les taureaux regardent souvent derrière eux ou par-dessus les portes et les barres à la recherche d’une sortie.
Les animaux sont souvent manipulés brutalement, surtout lorsqu’ils choisissent de se battre contre nos portes, nos cordes, nos coups et nos sangles plutôt que de se soumettre. Pendant qu’un cheval ou un taureau est sellé et harnaché, des hommes vont parfois tordre la queue de l’animal ou, dans le cas des chevaux, tirer sur leur crinière.
Si j’ai pu photographier tout cela, c’est qu’il s’agit de pratiques courantes. D’ailleurs, quand j’ai photographié un animal de rodéo blessé, personne n’a tenté de camoufler ses blessures et n’en était honteux : ces conséquences font tout simplement partie du jeu.
L’utilisation et la souffrance des animaux fait partie intégrante, et est indissociable, du rodéo.
J’aimerais que nous réévaluions tous l’utilisation des animaux à des fins de divertissement et que nous y mettions un terme. Cela n’a pas sa place dans une société évoluée qui prend de plus en plus conscience que les animaux ont des droits, qu’ils sont sensibles, et qui voit cela comme une évidence. Je vous demande de regarder les photos que j’ai prises lors de rodéos, sans détourner le regard, afin que vous puissiez voir ce que j’y ai vu. J’aimerais simplement que nous prenions ces animaux en considération un instant.
Je ne comprends pas pourquoi Montréal tient à organiser un rodéo dans le cadre des festivités de son 375e anniversaire; c’est un événement qui n’a aucune pertinence culturelle pour la ville. Pour une ville tournée vers l’avenir, ce choix est dépassé. Le rodéo ne reflète pas les valeurs de la population montréalaise. C’est un divertissement qui se fait aux dépens de quelqu’un d’autre : les animaux. Organiser un rodéo ne cadre résolument pas dans une société qui se dit avant-gardiste.
J’espère que vous vous joindrez à moi et à des milliers d’autres personnes, a qui l’histoire donnera raison, en disant NON au rodéo.
Photos de Jo-Anne McArthur
Voyez la section « Rodeo » du site WEANIMAL pour d’autres photos et faits troublants.
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Jo-Anne McArthur
Jo-Anne McArthur est une photographe primée, une auteure et une éducatrice. Elle vit à Toronto, au Canada. Dans son projet professionnel de longue haleine, We Animals, elle s’est attelée à documenter notre relation complexe avec les animaux dans plus de cinquante pays; cela, depuis une quinzaine d’années. Le premier livre de Jo-Anne, We Animals, a été publié en 2014. Son prochain livre, Captive, paraîtra à l’été 2017. Les images de Jo-Anne ont été utilisées par plus de cent organismes, éditeurs et chercheurs universitaires qui se portent à la défense les animaux. Grâce à ses programmes éducatifs We Animals pour la protection des animaux, elle a donné des conférences dans des écoles et des universités en Amérique du Nord, en Australie et un peu partout en Europe sur des sujets allant de la photographie des animaux à l’empathie, en passant par le changement social.