1. Sans recourir à l’interdiction des animaux dans les logements, comment les propriétaires pourraient-ils se protéger contre les dommages éventuels causés par ceux-ci?
Un locataire est légalement obligé de conserver son logement propre et en bon état, que les animaux y soient permis ou non. Lorsqu’il déménage, le locataire doit remettre le logement dans l’état où il était quand il a emménagé, à l’exception des changements dus à l’usure normale. En cas de dommages, l’occupant serait contraint de compenser les pertes subies par le propriétaire. Le locataire serait tenu responsable peu importe si les dommages à la propriété ont été causés par un animal ou par autre chose.
Les obligations légales des locataires demeureraient les mêmes dans le cas où les clauses interdisant les animaux venaient à être invalidées. Les locataires seraient toujours responsables de conserver leur logement en bon état, et les propriétaires auraient les mêmes recours qu’actuellement.
2. Quel recours auraient les autres locataires s’ils s’estiment dérangés par du bruit ou des odeurs causés par des animaux ?
Lorsqu’on vit en société, surtout dans des zones urbaines densément peuplées, il est normal d’être exposé à un certain niveau de bruit. En effet, le Code civil du Québec nous oblige à tolérer les inconvénients normaux liés au voisinage. Toutefois, si ces nuisances dépassent un seuil considéré comme normal ou acceptable, la loi prévoit un recours. Ainsi, une personne peut s’adresser aux tribunaux pour demander que la nuisance cesse ou pour réclamer d’être compensée pour les inconvénients subis. Les règlements municipaux exigent aussi des citoyens et citoyennes qu’ils s’assurent que leurs animaux de compagnie ne dérangent pas. Un locataire qui subit des désagréments excessifs causées par l’animal d’un voisin peut donc demander à sa municipalité d’intervenir ou encore intenter un recours pour troubles du voisinage. Par ailleurs, qu’ils aient des animaux ou pas, la loi oblige les locataires à maintenir leur logement propre et en bon état; ceux-ci doivent aussi se conformer aux règlements municipaux concernant la salubrité des lieux.
3. Et si le propriétaire ou un autre locataire est allergique aux animaux?
Sauf en cas d’allergie très grave, une personne allergique aux animaux risque peu d’être affectée par la présence d’un animal dans un autre logement que le sien. Si, toutefois, le gouvernement du Québec invalidait les clauses interdisant les animaux, il serait raisonnable que la loi prévoie une exception pour répondre à ce genre de rare cas de figure. En Ontario, où les clauses anti-animaux sont nulles et sans effet, un propriétaire peut tout de même expulser un locataire si la Commission de la location immobilière est convaincue que l’animal est la cause de réactions allergiques graves chez le propriétaire ou chez un autre locataire. De la même manière, un propriétaire peut refuser de louer son logement à un locataire ayant un animal s’il est en mesure de prouver que la présence de celui-ci dans un logement lui causerait de sérieuses réactions allergiques. Une exception semblable pourrait être envisagée au Québec.
4. Même si la loi protège les propriétaires et les locataires contre les dommages ou les dérangements causés par un animal, la simple présence de ce dernier n’augmente-t-elle pas le risque de problèmes?
Il est difficile de justifier une interdiction absolue et générale des animaux de compagnie dans un logement uniquement basée sur un risque hypothétique, surtout considérant l’impact d’une telle interdiction sur la vie des gens et celle de leurs animaux. Tout dépend du comportement de l’animal en question et de la capacité du gardien de cet animal d’agir de manière responsable. Si l’animal ne cause ni dommages ni bruit, il ne devrait pas y avoir de problème. En revanche, si l’animal cause des dommages et dérange les autres, la loi prévoit déjà des recours.
5. Si un propriétaire n’aime pas les animaux et n’en veux pas dans son immeuble, pourquoi n’aurait-il pas le droit de les interdire?
Les sentiments que nous éprouvons à l’égard des animaux sont bien personnels. Il apparaît difficilement acceptable qu’un propriétaire impose une telle préférence à ses locataires, surtout dans le contexte actuel de la crise du logement, puisque se loger est un besoin de base. Si un propriétaire n’aime pas un certain type de musique, serait-il acceptable qu’il interdise à ses locataires de faire jouer cette musique, même à des heures et à un volume raisonnables? Probablement que non, puisque cela constituerait une ingérence déraisonnable et arbitraire dans les affaires privées du locataire. De la même manière, ne pas aimer les animaux – en l’absence de dommages ou de perturbation – n’est pas une raison valable pour refuser de louer un logement à des personnes.
6. Étant donné que de nombreux locataires cohabitent avec un animal même si leur bail l’interdit, où est le problème?
Ces locataires vivent constamment dans la crainte d’être forcés de se débarrasser de leur animal ou de déménager si leur propriétaire apprend qu’ils ont un animal de compagnie et menace d’appliquer la clause interdisant les animaux. Les locataires qui contesteraient l’exécution de la clause devant le Tribunal administratif du logement (autrefois appelé la Régie du logement) font face à des difficultés importantes, puisque ce Tribunal est généralement favorable aux propriétaires en ce qui concerne la validité des clauses interdisant les animaux, même dans des cas où l’animal n’a causé aucun dommage ou dérangement. Parfois, des propriétaires peu scrupuleux se servent de cette clause comme moyen de pression contre des locataires qui demandent, par exemple, que des réparations ou des rénovations essentielles soient faites. Les locataires responsables dont l’animal ne cause aucun dommage ou désagrément ne devraient pas avoir à vivre avec la menace constante de perdre leur logement ou d’être obligés de se départir de leur compagnon.
7. Pourquoi les gens qui ont un animal ne choisissent-ils pas simplement un logement où les animaux sont acceptés?
Alors que plus de la moitié des ménages québécois (52 %) possède un chat ou un chien, seulement 4,2 % des propriétaires acceptent des locataires avec chien et 41,9 % acceptent ceux avec chat. Il peut donc être extrêmement difficile de trouver un logement lorsqu’on a un animal. Les personnes à faible revenu ont encore moins d’options, surtout compte tenu de l’état actuel du marché locatif au Québec, notamment en ce qui a trait à la hausse importante des loyers. Contrairement à d’autres types de contrats, qui sont l’aboutissement de négociations entre deux parties, le bail résidentiel typique est ce que l’on appelle un « contrat d’adhésion », c’est-à-dire un contrat où la partie la plus forte impose ses conditions à la partie la plus faible, sans négociation. Les propriétaires peuvent dicter les conditions d’un bail sachant fort bien que si un locataire potentiel les refuse, un deuxième ne tardera pas à arriver. Il est donc peu probable que les gardien.ne.s d’animaux puissent négocier le retrait de la clause interdisant les animaux du bail, même si leur animal se comporte bien. Cette situation favorise injustement les propriétaires aux dépens des droits des locataires.
8. Les gardien.ne.s d’animaux irresponsables ne sont-ils pas le vrai problème? Après tout, ce sont eux qui abandonnent leur animal.
À la SPCA de Montréal, nous sommes fréquemment témoins de situations déchirantes où des gardien.ne.s d’animaux responsables, qui adorent leur animal, s’en occupent très bien et le considèrent comme un membre de la famille à part entière, se retrouvent forcés de se séparer de leur compagnon simplement parce qu’ils n’arrivent pas à trouver un logement qui accepte les animaux et qui est à un prix abordable. Des scènes comme celle-ci, absolument tragique pour toutes les parties concernées, dont l’animal, se déroulent dans tous les refuges à travers le Québec.
9. Quelle est la situation ailleurs?
La France et l’Ontario considèrent tous deux que les clauses interdisant les animaux dans les baux résidentiels sont déraisonnables, abusives et contraires à l’ordre public et ce, depuis plus de 30 ans. En France, les clauses anti-animaux sont réputées nulles et sans effet dans les baux résidentiels depuis 1970. Quant à l’Ontario, le gouvernement provincial a adopté, dans les années 1990, une loi invalidant toute clause interdisant la possession d’animaux dans les logements locatifs.
10. Et si les propriétaires exigeaient un dépôt de garantie des locataires avec animaux?
Dans une perspective de justice sociale, le dépôt de garantie est une mesure qui pose problème puisqu’elle ne favorise pas un accès équitable au logement pour tous et toutes. En effet, l’application d’une telle mesure serait particulièrement discriminatoire pour les personnes à faible revenu. Par ailleurs, le droit légitime des propriétaires relativement aux dommages occasionnés par un animal ou par toute autre cause est déjà protégé par la loi, et le locataire est d’emblée responsable en cas de dommages à la propriété.
Il est à noter qu’en Ontario, où on ne peut pas interdire les animaux dans les logements, les dépôts de garantie sont interdits. Les propriétaires peuvent uniquement exiger le paiement du premier et du dernier mois de loyer lors de la signature du bail et les sommes perçues doivent obligatoirement être utilisées pour le paiement du premier et dernier mois de loyer, respectivement. En aucun cas le propriétaire peut-il retenir ces sommes pour couvrir des frais liés à d’éventuels dommages causés par le locataire.